Tu vois rebondir ses cheveux poivre et sel, bouclés. Ils tombent de plus en plus à plats sur ses tempes. Ils sont de plus en plus rares sur l'arrière de son crâne. Plus longs, plus pauvres qu'avant. Tu le vois tenir votre enfant par la main. Tu les vois faire les premiers pas en sortant de votre immeuble. Tu le vois sourire, lui parler avec un air enjoué. Comme s'il devait convaincre quelqu'un d'important. Tu ne les entends pas, les 5 étages te laissent devant les yeux un film muet, enrichi par tes pensées.
Tu vois ses cheveux surtout. Et tu te dis qu'il est de plus en plus beau.
Tu les vois s'arrêter sur le trottoir d'en face. Il lève la tête. Il te sourit tendrement. Tu lui souris sans les dents, comme amusée et amoureuse. Il redescend vers ce petit bonhomme en jaune fluo, le doigt pointé vers votre balcon. Il lui explique que tu es là. Il mime un coucou de la main (ce coucou n'est pas pour toi, il est pour Félix, pour qu'il puisse te faire coucou pour de vrai)
Plus tard, il ira raconter des blagues à la radio. Il aura ses papiers, son casque, son micro, les animateurs riront, les auditeurs souriront, les invités soupireront au mieux. Lui, il secouera ses cheveux d'avant en arrière en pointant parfois un doigt en l'air. Moins pour s'aider à avoir le ton que par habitude. Il a l'habitude. Il sera alerte sur la chaise moelleuse, ses fesses rebondiront musclées.
C'est marrant, quand tu l'écoutes tu n'as pas le son, seulement les images.
Tu souris. Vous êtes heureux. Tu as un peu divagué. Ils ont disparus depuis 4 minutes derrière l'angle de la banque. Il fait un peu froid, ton café est fini, tu vas rentrer enfiler un pull.
Tu ne te souviens plus vraiment pourquoi il t'a séduite. Parce qu'il était beau? Drôle? Intelligent? Tu ne sais plus.
Mais moi je sais: il t'a séduite parce que tu étais seule.